La longue autoroute d'Antequera à Grenade permet de voir apparaître progressivement les éléments du relief de la Sierra Nevada. Il suffit alors de plisser les yeux pour tenter de faire un zoom et distinguer la silhouette impressionnante de l'Alhambra, pure merveille héritée de l'histoire arabe de l'Espagne. Difficile pour moi de ne pas ressentir une émotion forte en songeant aux cours d'histoire que m'avait fait mon professeur d'histoire moderne en Licence et qui fit tant pour moi ensuite. En découvrant ce monument, deviné dans la lueur de la journée tombante, il me semblait entendre sa voix décrivant les Rois catholiques comme des héros modernes. Et pourtant, comment ne pas y voir aussi la chute d'un sultanat magnifique qui, de génération en génération, à forger une âme pour cette ville d'art, de culture et de tradition. Il est vrai que Grenade nous donne rapidement le sentiment d'être le lieu de compétition où les favoris de chaque religion ont joué leur va-tout. Une sorte d'expérimentation de l'extrême où le catholicisme triomphant a montré ses muscles. Mais, juste retour de l'histoire, on ne peut que s'extasier devant la finesse et la beauté de l'art mauresque et des palais Nasrides. Grenade avait peut-être trouvé en son temps un point d'équilibre et de concorde qui n'était pas pour plaire à tous. Grenade devient alors le symbole de la Reconquista, de l'inquisition, et d'un art baroque exubérant où l'or d'Amérique permet de superposer les couches de dorures et d'entrelacements au point d'en donner le malaise.
C'est donc après notre visite d'Antequera, et une centaine de kilomètres à l'Est, que nous atteignons Grenade. Nous y avons réservé un appartement pour quatre nuits, à deux pas de la cathédrale et dans le coeur historique de la ville. "L'Apartamentos Turísticos Las Nieves"se trouve en plein centre. L'accueil y est chaleureux et il est possible de faire garer sa voiture en sous sol. Au calme, il permet en 8 minutes d'atteindre la cathédrale ou la place Isabelle la Catholique pour rejoindre la Alhambra. L'appartement est vaste et calme. Les chambres sont faites tous les jours.
LIEN VERS LES TROIS GALERIES DE GRENADE
Dès notre arrivée nous avons été voir la cathédrale de nuit. L'impression incroyable de se trouver aux pieds d'une muraille de dentelles tant l'art de la Reconquista a mis les moyens pour imposer sa marque sur Grenade. La "Capilla Real", où reposent les Rois catholiques, est un chef d'oeuvre dans ce style ! Nous avons fait le tour de cette immense bâtiment pour rejoindre les rives du Darro afin d'apercevoir un bout de la Alhambra vue du dessous ... La soirée s'est terminée autour de quelques Tapas très moyens dans un restaurant de la Plaza Nueva. J'en profite pour inviter les touristes à une certaine prudence sur cette belle tradition des Tapas. Il nous est apparu en effet que selon les établissements les portions peuvent considérablement varier. Il est clair qu'une portion entière est souvent un vrai plat. Parfois, certains établissements ne servent pas de tapas aux places assises en terrasse. Ils considèrent en effet que les places les plus confortables relèvent du restaurant et que seul le bar sert des Tapas. Il est donc important de se renseigner. Enfin, il est continuel de voir les vendeurs à la sauvette proposer leurs breloques et contrefaçons. Jusqu'à 15 fois durant un seul repas ! Parfois, c'est très lassant ...
La première journée à Grenade était consacrée à la visite de nombreux édifices religieux, une randonnée dans l'Albaizin et le Sacromonte et un coucher de soleil, à ne pas manquer, sur la Alhambra depuis le promontoire du Mirador San Nicolas. Au départ de l'appartement c'est en premier vers Saint Jean de Dieu puis vers le Monastère San Jeronimo que nous nous sommes dirigés. Nous qui voulions du baroque, on a été gâté ! Saint Jean de Dieu est un monument du genre. Le style en est poussé à son extrême. Les dorures, volutes, angelots et reliques, rivalisent de magnificences pour offrir un ensemble surchargé et assez indigeste. C'est bien sûr à voir mais j'avoue assez peu goûter ...
Il en est autrement au Monastère de San Jeronimo. Dernière demeure du "Grand Capitan" qui mena les armées des Rois, il offre deux cloîtres splendides et une église équilibrée dont le retable maniériste vaut vraiment la visite. Le jardin d'orangers au centre du Cloître principal, la beauté des voûtes, les perspectives sur le clocher, valent vraiment la visite de ce lieu qui a évolué du baroque au style Renaissance pendant sa construction. Un endroit à ne pas manquer lors de la vite de Grenade.
Et puis après nous avons un peu déambulé en attendant de grimper vers l'Albayzin. La découverte du jardin botanique entourant la Faculté de Droit a été un vrai petit moment de paix au milieu de la ville. Une pause verte après la richesse des deux visites précédentes !
Après un passage par la place où trône Isabelle recevant Christophe Colomb dans un nuage de jets d'eau, nous dévorons une sorte de pizza et nous préparons à parcourir le quartier de l'Albayzin. C'est une visite pleine de charme et de douceur. Ce quartier mélange ruelles et placettes aux influences mauresques et catholiques. Un lieu de mélange par excellence où les rues étroites débouchent sur des églises ravissantes et aussi blanches que les maisons. Le bas du quartier est occupé par des boutiques orientales, tandis que les sommets du quartier voient fleurir des crucifix et de fiers églises. Au fur et à mesure de l'ascension, le fabuleux palais de la Alhambra se dessine sur le fond enneigé de la Sierra Nevada. Cette apparition trouve son point d'orgue au fait de plusieurs belvédères aménagés. Le Mirador de San Nicolas est le plus célèbre. Nous décidons d'y aller à la nuit tombante.
Toutefois nous choisissons de pousser un peu plus loin nos investigations dans la ville. C'est le quartier du Sacromonte, qui prolonge celui de l'Albayzin qui nous accueille à présent. Plus populaire et humble que le précédent, il offre toutefois quelques beaux défilés sur le Palais Nasride et le Generalife. En parcourant ses ruelles escarpées, nous parvenons au dessus des grottes qui ont vu fleurir les traditions les plus reculées du Flamenco. Des champs de cactus parcourent les demeures un peu plus espacées et dans un relatif désordre. De nombreux escaliers, comme des veines dans le paysage, strient la colline escarpée en conduisant le visiteur vers des niveaux intermédiaires jusqu'au lit du Daro. Il faut alors s'armer de courage et grimper à nouveau au sommet de la colline pour retrouver le splendide belvédère du Mirador San Nicolas où une terrasse à Tapas et à bière fait face aux imposantes bâtisses qui composent la Alhambra. De table en table, nous parvenons à nous trouver exactement en face du monument. Le soleil ne tarde pas pas allonger les ombres et à rosir les murailles de la Citadelle. Au loin la Sierra Nevada apporte des traits de peinture blanche dans le ciel tandis que les premiers éclairages publics jaunissent les murs des Palais. En quelques minutes la nuit envahit le ciel ne laissant plus que la Alhambra suspendue sur son oppidum et narguant la ville de son imposante tutelle. Une meute de touriste se trouve derrière la bar à tapas. Chacun y va d'un éclairage au flash pour espérer saisir ainsi, de la lumière artificielle d'un téléphone portable, la cité des sultans...
Bien fatigués de cette journée, nous choisissons un bistrot non loin de l'appartement pour y dîner. L'ensemble est très moyen et d'un goût discutable ... Nous nous couchons tôt car nous devons nous trouver avant 8h devant la carte murale de l'entrée de l'Alhambra où un guide nous attendra.
LIEN VERS LA GALERIE PHOTO DU PREMIER JOUR
La seconde journée est en effet exclusivement consacrée à la visite de l'ensemble des Palais qui forme la Alhambra. Un conseil aux visiteurs: Ce vaste ensemble ne peut se visiter que sur réservation. Son importance fait qu'il est pris d'assaut et seulement 6000 visiteurs par jour son possibles. Il faut absolument s'y prendre à l'avance car sinon certains accès vous seront interdits. Et visiter la Alhambra sans voir les Palais Nasrides ou le Genalife, c'est comme visiter le Louvres sans voir les grandes galeries. La Alhambra est le monument le plus visité d'Espagne. Pour réserver vos places il faut suivre ce lien au moins 6 semaines à l'avance. Si ce n'est pas le cas, vous risquez de devoir vous armer de patience à l'entrée (si des places sont encore disponibles) ou vous connecter à minuit sur le site pour tenter votre chance.
Je ne peux pas décrire avec précision chaque pièce de ce magnifique ensemble. C'est inimaginable de splendeur. Même ma galerie photo ne suffit pas à traduire ce sentiment incroyable de Beauté que les palais Nasrides peuvent provoquer. C'est un bain dans la culture arabo-andalouse. Un dépaysement où l'équilibre entre l'eau, la pierre, le génie culturel arabe, la foi religieuse, l'agencement des fleurs et des jardins, et l'émotion historique forment un tout. Rien ne manque. On peut regretter la cadence à laquelle les visites sont menées car les pièces étant assez petites, les guides doivent aller assez vite afin que chacun puisse contempler.
Après la visite du Palais d'été, le Generalife, il est possible de déambuler dans la Alhambra à son rythme. Nous avons alors décidé de déjeuner dans le Parador qui fait face au Generalife (ancien couvent San Francisco). C'est en ce lieu que les Rois Catholiques connurent leur première sépulture avant de rejoindre la Chapelle Royale adjacente à la Cathédrale de Grenade. Une magnifique terrasse permet de se reposer et d'admirer la vue. Nous y goûtons parmi nos meilleurs Tapas. Certes, il y a le prix du lieu, mais on ne le regrette pas.
Passée cette pause réconfortante, nous rejoignons le palais de Charles Quint (très décevant après le charme des Palais Nasrides) puis l'Acazaba, forteresse impressionnante qui protégeait les Palais et dont l'architecture militaire est en parfait état.
Après une nouvelle visite des jardins, nous dévalons la colline jusqu'au Centre-Ville de Grenade où, après les devantures de nombreux marchands de Guitares, noous rejoignons l'appartement. Le dîner se passe dans le froid sur une terrasse pourtant repérée mais finalement attrape touriste ... (Restaurante Los Manueles, à éviter même si les guides vous en disent du bien ...).
LIEN VERS LA GALERIE PHOTO DU SECOND JOUR
La troisième et dernière journée à Grenade doit nous conduire vers la Cathédrale et la Capilla Real puis ses quartiers avoisinants. Nous avons alors grenouillé un peu au hasard et découvert bien des choses !
Nous avons débuté par l'émouvante visite de la Capilla Real, Chapelle royale des Rois catholiques où ils reposent avec le Prince Miguel, qui, s'il avait vécu, aurait permis l'unification de la Péninsule Ibérique. Les photos y sont interdites (c'est d'ailleurs le seul endroit où ça a été le cas). Une atmosphère particulière et des objets de grande beauté des collections personnelles des Rois Catholiques. Une plongée dans la mémoire de l'Espagne. On y trouve le souvenir de la grande victoire d'Isabelle la Catholique obtenant la reddition de Boabdil, dernier Sultan de Grenade et dont sa Mère lui dit après la défaite: « ne pleure pas comme une femme, pour ce que tu n’as su défendre comme un homme ».
La visite de la Cathédrale ne porte pas la même émotion même si l'édifice est impressionnant par ses voûtes vertigineuses et la clarté de la pierre blanche faisant de ce lieu sans doute la cathédrale la plus claire qu'il m'ait été donné de voir. Les buffets d'orgues sont admirables et tout en ce lieu vise à faire triompher le catholicisme et les valeurs des Rois Catholiques. Curieusement, malgré sa splendeur artistique et la prouesse architecturale, la victoire est assez peu émouvante pour le visiteur que je suis. Un peu de trop plein, de manque de sérénité, de supériorité qui, si elle était évidente, n'aurait pas tant besoin d'en mettre plein les yeux ... Bref, après une heure de visite nous ressortons de la cathédrale pour rejoindre les quartiers voisins et poursuivre la visite.
Nous allons en lisière du Daro, juste sous la Alhambra, pour déjeuner en terrasse dans une honnête auberge où quelques musiciens viennent nous jouer du Flamenco (Restaurant la Fontana). Puis nous décidons de faire quelques pas dans l'Albazyn afin de rejoindre El Palacio de los Olvidados où une exposition sur l'Inquisition nous attend ... La chose est très impressionnante. C'est incroyable de voir à quel point les hommes sont capables d'imagination pour faire souffrir leur prochain ! C'est quand même une pure abomination que tous ces outils au service de la conversion forcée des autres ! Il est difficile en découvrant une telle barbarie de ne pas penser que les fous de Dieu de notre temps ont eu d'illustres prédécesseurs ... Certaines images choisies dans la Galerie sont objectivement impressionnantes.
En quittant ce palais un rien impressionnant, nous avons navigué à vue dans un quartier moins connu de la ville. Plusieurs découvertes et une multitude de petites églises sont à découvrir. Les scènes de rue et les fresques insolites se laissent découvrir au gré des kilomètres urbains ! Plusieurs images drôles en sont issues. La promenade se termine dans le Souk de la Alcaiceria où nous avons le sentiment de plonger soudainement dans l'Afrique de Nord. Bien sûr tout est fait pour attirer le promeneur mais il n'est pas impossible d'y trouver un tissus, une teinte, une forme recherchée ailleurs et qui ne se trouve que là ...
En rentrant à l'appartement, et avant de faire les valises pour repartir le lendemain vers Baena et Alcala la Real, je croise une superbe fresque de rue représentant Pablo Picasso. Se souvenir qu'il est un fils du pays né à Malaga.
Avant de dîner nous utilisons les billets de notre réservation de premier soir au Chien Andalou, dont le nom est inspiré d'un célèbre court métrage de Luis Bunuel. Il s'agit d'une cave toute en longueur avec une scène au bout pour faire partager aux visiteurs la passion du Flamenco. Bien que les conditions ne facilitent pas les photographies, nous y avons vécu un bon moment au parfum d'authenticité. L'établissement tente de vous y faire dîner mais sans trop insister. Nous y prenons un verre en admirant les expressions de la danseuse et le talent du guitariste. Le spectacle dure environ 1h15. Moins loin que les caves du Sacromonte, ce lieu permet vraiment de goûter aux parfums de l'âme andalouse !
En sortant du Chien andalou, nous dînons très agréablement dans un restaurant un peu en retrait mais dont nous avons apprécié la gentillesse et le sens du service. le restaurant Carmela fera une bonne conclusion pour ces trois jours grenadins.
Après une bonne nuit, nous rendons la chambre et reprenons la voiture en sous sol. Passée la manoeuvre compliquée pour s'extirper de la petite rue, et du garage avec ascenseur à voiture, c'est à nouveau vers une forteresse arabe que nous partons: le merveilleux site d'Alcala-la Real !
LIEN VERS LA GALERIE PHOTO DU TROISIEME JOUR